Suite à l'étude menée auprès de 98 utilisateurs d'Ubique Tech au cours de l'année 2020, nous nous sommes entretenus avec Laure De Champs, diplômée de psychologie cognitive fondamentale et appliquée afin de recueillir son analyse au sujet des données enregistrées.
Impact du jeu dans la rééducation des troubles moteurs de l’enfant
En France, chaque année, environ 3 enfants sur 1000 naissent avec une paralysie cérébrale, soit 125 000 enfants. La paralysie cérébrale entraîne des troubles du mouvement, de la posture ainsi que des troubles cognitifs ou sensoriels. La rééducation est le principal outil de prise en charge de la paralysie cérébrale. Les avancées des méthodes de rééducation permettent à ces enfants de récupérer certaines fonctions motrices.
UBIQUE ne s’adresse pas seulement aux enfants atteints de paralysie cérébrale. En mars 2021, nous avons mesuré l’impact d’Ubique sur la rééducation motrice des enfants grâce à un questionnaire en ligne. Cette étude en ligne a montré la grande diversité des pathologies prises en charge par Ubique (hémiparésie, hémiplégie, cécité corticale, paralysie cérébrale...). Ubique s’adapte à la pathologie de chaque enfant. Chacune des pathologies peut tirer des bienfaits de cet outil de rééducation.
Les troubles moteurs nécessitent une lourde prise en charge. D’après notre étude menée en mars 2021, 81,25 % des enfants utilisant Ubique suivaient une prise en charge plusieurs fois par semaine. Il est donc primordial que l’enfant puisse prendre du plaisir dans sa rééducation afin de mettre toutes les chances de son côté. C’est pourquoi Ubique conjugue la lourde rééducation motrice avec l’aspect ludique du jeu vidéo.
Ubique transforme les séances de rééducation en jeu. Ubique allie le jeu vidéo et la technologie pour gamifier la thérapie. Plus d’une vingtaine de jeux sont disponibles sur l’application et de nouveaux jeux sont régulièrement proposés. Le jeu est un moyen détourné de rééduquer les troubles moteurs chez l’enfant.
Impact du jeu sur le développement cérébral
L’académie américaine de pédiatrie a souligné dans son rapport de 2018, les effets multidimensionnels du jeu sur la structure et le développement cérébral. En effet le jeu entraîne des changements au niveau moléculaire (épigénétique), cellulaire (connectivité neuronale) et au niveau comportemental (socio-émotionnel et compétences fonctionnelles exécutives).
Ces changements favorisent l’apprentissage, l’adaptation et le comportement prosocial.
Le jeu est source de plaisir, ce qui stimule la sécrétion d’endorphines et de noradrénaline. La noradrénaline facilite l'apprentissage au niveau des synapses et améliore la plasticité cérébrale.
Le jeu favorise donc le développement des fonctions exécutives du cerveau, des habilités sociales et des habilités motrices (Yogman, 2018).
Ubique, par ses jeux, favorise non seulement la récupération motrice mais stimule aussi d’autres régions cérébrales.
Impact du jeu sur la motivation
De Graeve affirme que le jeu est un besoin naturel et vital de l’enfant (2006). Le jeu permet une plus grande acceptation de la rééducation et de prendre du plaisir. Delignières (2008) a montré que le plaisir est à la source de la motivation et accélère la récupération. La motivation augmente les performances du patient. Ainsi l’enfant ne se lasse pas et reste motivé tout au long de la prise en charge. Ubique, par l’intermédiaire du jeu, permet de remotiver les patients.
En réadaptation, la motivation est corrélée avec l’obtention de résultats positifs (Ostir et al., 2008 ; Maclean et al., 2002). En effet, celle-ci accélère la récupération et devient une des principales barrières lorsque le patient fait face à une absence de motivation (Maclean & Pound, 2000).
Plusieurs études ont montré que les rééducations actuelles sont perçues par les patients comme non-stimulantes (Lohse et al., 2013 ; Burke et al., 2009), rigides et non malléables (Standen, 2015). Les patients aimeraient accéder à des interventions plaisantes et variées (Luker et al., 2015). Le jeu vidéo pourrait apporter une réponse à cette demande. Par son aspect stimulant celui-ci augmenterait la motivation des patients atteints de troubles moteurs (Anderson et al., 2015 ; Standen et al., 2015).
D’après notre enquête sur 16 enfants, 9 demandaient à jouer à Ubique et 4 d’entre eux étaient à l’initiative de l’utilisation d’Ubique.
La motivation intrinsèque est la tendance à s’engager dans l’action pour le « plaisir et la satisfaction qui sont inhérents à la pratique de cette activité et non en fonction des récompenses et des contraintes extérieures qui peuvent y être associées » (Vallerand & Thill, 1993)
L’analyse des résultats obtenus au questionnaire a montré que les jeux d’Ubique sont intrinsèquement intéressants pour l’enfant. Ubique rend la rééducation motivante.
D’après notre étude, 81,25 % des enfants utilisant Ubique jouent pour explorer de nouveaux jeux et non pour obtenir des récompenses. 87,5 % des enfants jouent afin de ressentir des sensations particulières d’excitation, d’amusement et de plaisir sensoriel.
Garris et al. (2002) ont souligné l’intérêt d’influencer positivement la motivation intrinsèque du joueur. Le jeu lui-même étant intéressant, l’enfant devient alors plus impliqué et plus investi. Par ailleurs, d’après Ryan et Deci (2001), la motivation intrinsèque favorise l’estime de soi, la performance et la qualité de l’apprentissage.
Au fur et à mesure de son développement, l’enfant est contraint de réaliser des tâches qui ne sont pas intrinsèquement intéressantes pour lui. Son comportement est alors effectué pour des raisons instrumentales. L’enfant va donc agir afin d’obtenir des récompenses.
La rééducation sera d’autant plus efficace que la motivation de l’enfant est renforcée.
La motivation va consolider les aires du cortex soumises aux changements par l’intermédiaire des médiateurs chimiques tels que la dopamine et l’acétylcholine (Kilgard et al., 1998).
La motivation est importante parce qu’elle renforce l’envie de jouer et augmente les performances du patient. Elle contribue aussi à maintenir l’intérêt de l’enfant dans sa rééducation.
L’aspect ludique est essentiel dans la prise en charge de l’enfant. Par l’intermédiaire du jeu, l’enfant devient acteur de sa prise en charge.
68.75 % des enfants utilisant Ubique sont conscients de l’intérêt de leur prise en charge.
La motivation a une place primordiale dans l’adhésion du patient aux exercices de rééducation.
Ubique propose des exercices musculaires basés sur la répétition de gestes.
Cependant cette technique suggère aussi de faire des interruptions car le cerveau n’a pas besoin que de stimulations intensives mais aussi de non-stimulations pour consolider le changement.
Des études montrent que pour améliorer la motricité du patient, les exercices proposés doivent être répétés de nombreuses fois (Krakauer, 2005 ; Kwakkel et al., 1997 ; Butefisch & Hummelstein, 1995 ; Gracies, 2003). Afin que l’aspect répétitif ne vienne pas entraver la récupération, il est important que les exercices soient motivants pour mobiliser l’attention du sujet.
Lors de l’exécution d’une tâche l’enfant doit focaliser son attention sur l’activité pour obtenir des changements à long terme.
D’après notre questionnaire visant à évaluer l’impact d’Ubique sur la rééducation motrice, 81,25 % des enfants arrivent à focaliser leur attention sur le jeu.
Les exercices de rééducation sont souvent très répétitifs et intensifs. Cela peut provoquer une fatigue excessive, des douleurs et un désintérêt pour la rééducation.
Le jeu est donc un moyen de détourner le « travail » pour rééduquer les déficits de l’enfant. Par ailleurs le jeu permet que l’enfant accepte plus facilement la thérapie.
Dans notre étude menée en mars 2021, pendant son utilisation, Ubique n’a pas généré de douleur supplémentaire. Seulement 6,25 % des enfants ont ressenti une douleur un peu plus importante après l’utilisation d’Ubique.
Figure 1. Evolution de la douleur de l’enfant avant l’utilisation d’Ubique, pendant et après.
Références
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Yogman, M., Garner, A., Hutchinson,J., Hirsh-Pasek, K., Golinkoff, M., Committee on Psychosocial Aspects of Childand Family Health et Council on Communications and Media. (2018). The Power of Play: A Pediatric Role in Enhancing Development in Young Children. Pediatrics, 142(3), 1-18.